Eltono
Sérendipité
15 Juillet - 19 Sept. 2021
Collection Hangar 107
J’ai rencontré Eltono début 2020, en pleine préparation de l’exposition Parting Line au Hangar 107. MOMO venait d’arriver à Rouen pour le montage et lui avait proposé de venir nous prêter main forte. Les deux artistes sont de vieux compagnons de route et ont œuvré ensemble à divers projets à New-York, en Belgique, en Italie ou en France. Sans être similaires, leurs démarches sont parentes.
Elles accordent toutes deux une large place à l’abstraction et à la création sous protocole. Dès son arrivée au Hangar 107, Eltono a enfilé sa tenue de chantier et s’est mis au travail. Il a abordé le montage de l’exposition avec une énergie, un soin et un sens du détail qui m’ont tout de suite frappé.
Sa complicité avec MOMO aussi était extraordinaire. Elle se passait de mots et se traduisait en intentions et en gestes communs. Les oeuvres de l’artiste américain semblaient n’avoir aucun secret pour lui. Il savait pariaitement comment les agencer et les mettre en valeur.
A l’époque, je connaissais mal le travail d’Eltono, dont la notoriété en France est très en- deçà de son talent et de l’aura dont il jouit à l’étranger. Mais voir l’artiste si à l’aise avec les contraintes scénographies, si précis et si énergique, m’a immédiatement donné envie d’en savoir plus. Lors du premier confinement, je me suis donc renseigné sur son parcours. J’y ai d’abord retrouvé tout ce qui m’avait fasciné, plus jeune, dans la démarche de l’OuLiPo (Ouvroir de littérature potentielle) et ses diverses déclinaisons dans la musique.
Eltono avait cette même façon de tirer parti du hasard, de provoquer dans ses oeuvres d’heureux accidents, de faire de la contrainte le point de départ de toute création. Surtout, il s’inscrivait pleinement dans la ligne artistique défendue des son ouverture par le Hangar 107. Pratiquant assidu du graffiti en région parisienne à l’adolescence, il avait très tôt bifurqué vers l’abstraction. Dés ses premières expositions, il avait abordé le délicat équilibre entre la rue et le white cube, et sondé les spécificités de la création en espace urbain et la manière de les évoquer dans les espaces d’art.
L’importance qu’il accorde à l’aléa, au jeu, à l’entropie, à la rencontre et aux interactions avec les lieux et les gens le place tout à la fois dans la continuité du graffiti et en parfaite contradiction avec lui. L’artiste aborde la ville comme un terrain de jeu mais ne cherche pas la visibilité. Au contraire, ses interventions sont souvent modestes et immatérielles: ce sont des protocoles, des marches, des performances. Pour ces raisons, travailler avec Eltono est un merveilleux plongeon dans l’inconnu. Sa sensibilité au contexte rend caduque toute planification.
Ainsi, l’immense majorité des oeuvres présentées dans le cadre de ‘Sérendipité » ont été produites sur place, pendant le montage de l’exposition. Elles sont nées de dérives aux abords du Hangar 107, d’observations et de conversations. Elles sont génératives, participatives, toujours aléatoires. Cette part d’incertitude est ce qui me rend si fier de cette exposition. Pour être franc, je lui trouve même des allures de manifeste. Eltono y présente du Street art au sens le plus strict et le plus noble du terme : un art précaire, aléatoire, déterminé par son contexte et bien décidé à jouer avec.