Hense
Painting & Wall Drawings
14 Oct. - 19 Déc. 2021
Collection Hangar 107
Après y avoir accueilli Craig Costello, Momo ou Eltono, exposer Alex Brewer, alias Hense, au Hangar 107, m’a semblé aller de soi. C’est une façon de continuer à défricher un territoire sans nom ni frontières, qui serait situé à la confluence du graffiti et de l’art moderne et contemporain. Bien qu’il ait une trajectoire distincte et très personnelle, Hense est lié à ceux qui l’ont devancé ici par quelque chose comme une communauté d’esprit et de création. Non seulement il connaît et estime les artistes exposés au Hangar 107, mais il donne le sentiment d’avoir suivi une évolution parallèle. Un regard hâtif serait bien sûr tenté de l’associer à ses prédécesseurs en vertu d’une pratique commune de la peinture murale. Leur manière d’appréhender la création in situ est de fait assez proche : chez Hense comme chez la plupart des artistes que nous scrutons, l’expérience de l’espace public nourrit une disposition à l’expérimentation qui n’a rien à voir avec la veine pop et figurative formant l’imagerie convenue du street art. Tout au contraire, le mur est pour eux une échappée vers l’abstraction et l’occasion d’un jeu plus ou moins spontané avec les formes et des couleurs.
A ce titre, travailler avec des artistes de la trempe de Hense est toujours une source de surprise et d’inattendu. Chez lui, l’espace d’exposition dicte une approche singulière et spécifique qui s’élabore pas à pas, au gré d’observations et d’impressions. Dès son arrivée à Rouen, il s’est immergé dans les lieux et y a projeté ses grands « dessins muraux », comme il les nomme. Les volumes, les circulations, mais aussi l’atmosphère du Hangar 107, les rencontres et les conversations qu’il y a nouées ont nourri la réalisation dans le hall d’une fresque totalement immersive, sorte de plongée et d’entrée en matière dans son œuvre. C’est comme si Hense avait ainsi conçu un écrin sur mesure aux toiles et travaux sur papier créés dans son atelier, et qu’il expose en France pour la première fois.
Sa manière de partir des caractéristiques d’un lieu est bien sûr chez lui un héritage du graffiti. Dans ce domaine, Hense est une pointure, un king. L’enthousiasme suscité par sa venue à Rouen a d’ailleurs été pour lui comme pour moi un motif d’étonnement : pas un graffeur ici qui ne connaisse sur le bout des doigts ses pieces et ne tienne les MSK, dont il fut l’un des membres, pour l’un des crews les plus stimulants de la côte Ouest américaine !
Evidemment, ce passé glorieux n’entre que très secondairement dans le choix de l’exposer. Du reste, les oeuvres que nous présentons au Hangar 107 se tiennent à distance du graffiti, et ne pourraient en aucun cas en être formellement rapprochées : comme tant d’autres artistes, Hense considère que celui-ci n’a pas sa place dans les galeries et centres d’art, pour la simple raison qu’il n’est pas un art. Mon intérêt pour son travail tient plutôt à son évolution spectaculaire au cours des cinq dernières années. A mesure qu’il s’émancipait du writing pour explorer les propriétés du papier ou du contreplaqué, l’artiste a su trouver un style étonnamment fluide et maîtrisé. Dans ses œuvres les plus récentes, il manie formes et couleurs avec une liberté rare, quasi enfantine. Son énergie est intacte, mais concentrée. A cet égard, accueillir Hense au Hangar 107 est une immense chance. Non seulement je suis très fier de dévoiler son œuvre à un public français qui le connaît mal, mais j’ai le sentiment de le faire à un moment clé : l’artiste a si bien gagné en maturité qu’il semble parvenu au sommet de son art, quand bien même ses ressources sont inépuisables, et ne semblent pas vraiment de nature à se tarir bientôt.