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Lise Stoufflet

Interlune

14 Avr. - 12 Juin 2022
Collection Hangar 107

« Interlune ». Le premier sentiment est certainement poétique. Le mot sonne comme si le cosmos tout entier s’était autorisé une courte pause musicale. Un doux moment harmonieux aux notes cristallines, qui interviendrait après une large séquence tonitruante et qui annoncerait quelque chose de plus paisible. Ce temps calme, c’est celui de la lune. « Cet énorme caillou qui, comme le rappelle Lise Stoufflet, tourne sans cesse autour de nous et que l’on oublie »; cette boule blanche, toujours présente que les nuages laissent souvent rayonner sur la nuit. Cette trêve entre deux jours est celle d’une force mystique qui veille.

Lise Stoufflet donne à cette accalmie les traits d’une déesse inconnue qui porte au creux de ses seins un morceau de ciel, et dont les grains de beauté formeraient une constellation aux formes infinies. Sa peau, est-ce la même que la nôtre ?

Certainement, à observer l’universalité des figures qui se matérialisent dans les toiles de l’artiste. Qu’importe leur carnation, tous les êtres partagent la même étoffe. Les fleurs poilues sont des animaux, les humains ont la même écorce que les arbres, les cheveux se transforment en rivière, les végétaux s’animent en visages paisibles et les genres s’annulent ou se complètent. Surréalisme onirique où tout ne serait finalement pas si improbable.

Dans les vies que Lise Stoufflet insuffle, l’étrange illustre combien tout est poreux. Si la peintre se défend qu’il y ait des vérités dans ses toiles, ses pinceaux évoquent tout de même que l’interdépendance est la caractéristique première de toute chose. Rien n’existe sans rien et l’idée de la liberté sans entrave n’est que fantasme. Voilà peut-être ce que l’interlude de la pandémie a rappelé. Temps suspendu où l’esseulement a montré combien nous avions besoin des autres, à tous niveaux. Temps arrêté de l’introspection où l’autre qu’est soi ne suffit pas. Ne serait-ce pas de cette solitude introspective que sont nées les mythologies ?

Celles de Lise Stoufflet prennent notamment source dans l’écoféminisme, ce courant politique défendant que la propriété auto-proclamée de la nature a tout à voir avec le contrôle des ventres qui enfantent. Et la lune, astre associé au féminin, accompagne le cycle de la vie. Interlune. «Temps qui s’écoule entre le moment où la lune décroissante cesse d’être visible, et celui où elle reparait », raconte le dictionnaire le Littré. Ce moment de pause est aussi celui de l’ombre. Au verso des formes simples et poétiques de Lise Stoufflet, un double discours se tisse.

Derrière la beauté du vivre ensemble, c’est toute une génération qui s’indigne. Comment nos ainé.e.s ont-iels pu autant se distancier du vivant, s’établir comme ses maitre.sse.s? Force est de constater qu’on ne peut rien maitriser vraiment. Il suffit d’un petit virus microscopique pour tout faire chavirer. Les choses débordent des cadres comme dans les toiles de Lise Stoufflet, qui se mêlent et s’entremêlent par des installations in situ. L’illustration de cette faillite d’un monde qui veut tout dominer, pourrait être celle de l’amazone qui bande son are accusant un flagrant échec. La flèche qu’elle tire dans le cadre s’amollit hors de celui-ci. La cible ne risque pas d’être touchée. Que vise-t-elle ? Quelque chose qui vit, forcément. Il n’est jamais question de tuer de ce qui ne respire pas. Mais le mou s’est emparé de l’objectif et le coup loupe. Il n’atteint plus son but, réclamant la définition de nouvelles règles du jeu.

En proposant aux spectateurices des narrations actives, en les poussant à s’émanciper du cadre, Lise Stoufflet change la donne. La peinture ne sera plus ce que l’on contemple à distance. Elle s’épanchera, signalant encore et toujours, que les frontières sont poreuses.

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