Mirko Reisser (Daim)
30th Anniversary
05 Juil. - 04 Sept. 2019
Collection Hangar 107
Après Tania Mouraud, Tilt et Craig Costello, Mirko Reisser, alias DAIM, vient clore au Hangar 107 un cycle de trois expositions dédiées à l’écriture, matrice du graffiti. J’avais imaginé ce cycle comme une sorte de manifeste : pour moi, explorer la relation des artistes à la lettre était une manière de s’orienter dans le paysage très composite, et souvent nébuleux, de cet obscur objet nommé à tort Street Art. La confusion régnante, je voulais rappeler quelques fondamentaux et défendre des démarches exigeantes, loin des images de marque, des ascensions faciles et des impostures.
Les deux premières expositions du cycle jouaient délibérément l’écart : celle de Tania Mouraud, parce que l’artiste a investi la ville sur un autre mode que le graffiti, mais partage avec lui la volonté de prendre l’écriture à rebrousse-poil, d’en faire primer la portée esthétique et poétique sur la lisibilité. Celle de Tilt et Craig Costello, parce qu’ils ont tous deux pris leurs distances avec la lettre du mouvement, pour mieux rester fidèles à son esprit d’indépendance et d’aventure. Après cette double entreprise de déconstruction, il fallait au contraire revenir à l’écriture et montrer qu’elle reste, envers et contre tout, l’Alpha et l’Oméga du graffiti.
DAIM s’est alors très vite imposé à moi comme une évidence : sa maîtrise du style 3D n’a pas seulement fait de lui un acteur incontournable de la scène graffiti dès les années 1990, et l’un de ses représentants les plus copiés d’Europe. Elle a aussi démontré à ma génération que nous n’étions pas condamnés à refaire inlassablement du Dondi ou du Futura, que nous pouvions au contraire tracer notre sillon propre, à distance des diktats made in USA. DIAMc’est, à l’adolescence, celui dont je débusquais impatiemment les dernières pépites dans Graff it ! ou Radikal, pour y voir confirmé qu’il plaçait toujours la barre plus haut et qu’il était capable de tout sauf d’une chose : me décevoir.
Depuis, certains graffeurs de sa génération se sont frayé une voie vers l’art contemporain en tâchant d’éviter l’écueil du graffiti sur toile. DAIM, lui, est resté DAIM, et son « coming out » en Mirko Reisser n’a pas fondamentalement transformé sa démarche. Ce qui pourrait passer pour une limite a plutôt conforté mon choix : le fait qu’il ne se dérobe pas à son passé de graffeur, sa résistance aux attendus de l’époque, aiguisent l’immense estime que je lui porte. DAIM, c’est un pur et dur, un tenace. Rien ne le fera dévier de sa ligne.
Je n’en suis que plus honoré d’avoir été choisi en retour par l’artiste, et qu’il ait accepté de célébrer au Hangar 107, loin de l’Allemagne où il a fait ses premiers pas, ses trente ans de carrière. Les œuvres qu’il présente à Rouen, dont une fresque monumentale, sont pour moi un cadeau inestimable : elles réveillent l’adolescent ébahi chez le promoteur obstiné du graffiti que DAIM m’a incité, sans même le savoir, à devenir…